Les fistules : une tragédie silencieuse pour des milliers de femmes
En RD du Congo, la fistule obstétricale toucherait près de 2 femmes sur 1000. Les femmes accouchent souvent à la maison et sans assistance médicale professionnelle. Les accouchements peuvent durer des heures, voire des jours. Plus l’accouchement est long, plus le risque de fistule est élevé. Les fistules sont dangereuses pour la naissance du bébé et pour la vie future de la patiente.
Qu’est-ce que la fistule obstétricale ?
Une fistule se produit lorsque la tête du bébé exerce une pression de longue durée sur les parois du canal pelvi-génital. Les tissus sont alors privés de sang pendant un long moment et sont endommagés, ce qui crée une ouverture entre le vagin et la vessie ou entre le vagin et le rectum (ou les deux). Il en résulte une incontinence permanente (émission de selles ou d’urines). 90 % des grossesses impliquant une fistule se terminent par le décès du nouveau-né.
La fistule obstétricale, responsable de l’exclusion sociale des femmes
Plus de 2 millions de femmes et de filles en Asie et en Afrique subsaharienne vivent avec une fistule non traitée. Chaque année, environ 50 000 à 100 000 nouveaux cas s’ajoutent (OMS, 2018). Ces chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité. En effet, la plupart des femmes n’osent pas exprimer leurs symptômes. Beaucoup subissent une fuite urinaire constante, ce qui cause des odeurs désagréables. Le problème de la fistule dépasse le cadre médical. Les femmes qui souffrent de fistule sont souvent rejetées par leur époux, leur famille et leur communauté. Isolées et marginalisées, elles ont peu accès aux informations sur le traitement dont elles pourraient pourtant bénéficier.
Et puis, n’oublions pas que ce handicap s’ajoute au traumatisme intense que les femmes ont déjà vécu : la perte d’un bébé à la suite d’un accouchement difficile.
La pauvreté comme cause indirecte des fistules
En Belgique, les fistules obstétricales sont rares. « En trente ans de travail, je n’ai rencontré le problème que deux fois et il a été immédiatement traité chirurgicalement », explique Sabine Van de Vyver, sage-femme en chef à l’hôpital AZ Sint-Vincentius de Deinze et bénévole de l’initiative Hôpital pour Hôpital.
Les fistules sont un signe qu’un système de soins de santé ne fonctionne pas correctement. En effet, une femme qui est correctement suivie lors de son accouchement ne développera pas de fistule.
Souvent, la fistule touche les femmes les plus vulnérables de la société qui ne bénéficient pas d’un suivi correct de leur grossesse. Il s’agit de futures mères qui ne peuvent pas se rendre à l’hôpital ou au centre de santé (à temps), des femmes déjà affaiblies par la malnutrition, ou de jeunes filles dont le corps n’a pas encore atteint sa pleine maturité.
La prévention est la clé
Il est possible de prévenir et d’empêcher l’apparition d’une fistule, grâce :
- Au suivi régulier de la patiente tout au long de sa grossesse, dans le cadre des consultations prénatales
- À la détection de certains signes avant-coureurs durant l’accouchement et à la réalisation de certains gestes techniques
- A la référence rapide des patientes vers l’hôpital, en cas de nécessitéµ
Former les sage-femmes pour prévenir les cas de fistule
Aussi, les sage-femmes qui accompagnent les femmes enceintes dans les zones rurales jouent un rôle déterminant dans la lutte contre les fistules. Ce sont elles qui peuvent déterminer si une femme est à risque. Elles prennent également la décision de référer la parturiente vers l’hôpital, dans le cas où une femme doit bénéficier d’une césarienne d’urgence. C’est pourquoi, Memisa organise la formation des sage-femmes à la prévention des fistules.
Dr Dolores Nembuzu est gynécologue et directrice de la « Clinique de la fistule », à l’hôpital Saint-Joseph de Kinshasa. Elle s’est rendue en Ituri pour assurer la formation des sage-femmes de Bunia. Elle insiste sur le suivi à long-terme des patientes et sur l’appui que les sage-femmes peuvent apporter. « Après la chirurgie, il est important de continuer d’assister ces femmes. Elles souffrent d’un traumatisme profond et méritent un appui psychologique et social pour permettre leur réinsertion sociale. »
Le renforcement du système de santé pour lutter contre les fistules
Pour prévenir l’apparition de fistules, Memisa appuie le système de soins dans sa globalité. Nous réhabilitons des salles de maternité et construisons de nouveaux centres de santé pour permettre aux femmes d’accoucher avec l’assistance de professionnels de la santé.
Avec nos partenaires locaux, nous organisons également des campagnes de sensibilisation pour encourager les femmes enceintes à se rendre aux consultations prénatales.
Memisa appuie également les systèmes de moto-ambulances pour permettre aux femmes enceintes d’être envoyées à temps l’hôpital en cas d’urgence.
Ituri : « La violence sexuelle peut aussi conduire à des fistules »« En Ituri, dans l’est du Congo, la fistule est un problème de santé majeur », déclare Sœur Jean Cécicle Nyamungu Atimnedi, médecin et coordinatrice médicale de notre partenaire le BDOM. « L’insécurité dans la région signifie que les femmes enceintes ne peuvent pas se rendre dans les centres de santé, elles accouchent à domicile sans assistance, ce qui augmente le risque d’une fistule grave. Les femmes qui sont violées pendant cette guerre peuvent aussi avoir une fistule par la suite et avoir des fuites urinaires constantes. En mars, mois consacré aux femmes, prenons un moment pour nous souvenir de toutes les femmes qui ont perdu leur dignité à cause d’une fistule, quelle qu’en soit l’origine. » |