Dans les coulisses d’une mission en Guinée

13 / 03 / 2019

Plusieurs fois par an, nos responsables de projets se rendent sur le terrain pour assurer le suivi. Ils visitent les centres de santé, rencontrent les collègues locaux et partagent leur expertise avec les organisations partenaires. Lors de chaque mission, ils s’immergent dans une autre culture et multiplient les rencontres intéressantes. Kristel nous raconte sa dernière mission en Guinée.

Jour 7

A 8h30, avec le Dr Sangaré, nous partons pour le centre de santé de Korbé. Il faut un peu de temps pour s’habituer à voir des arbres en Afrique sans feuilles mais qui ne sont pas forcément morts. La sécheresse fait des ravages. Il n’y a pas de pelouse. Impossible car il ne pleut pas une goutte pendant 6 mois.

Nous arrivons au centre de santé gouvernemental et nous y rencontrons l’infirmier. Il est ici depuis octobre. Il vient d’un centre où les soins de santé mentale sont déjà intégrés et c’est grâce à cette expérience que les soins de santé mentale sont maintenant aussi offerts dans ce centre. Il était au courant de notre arrivée et a invité beaucoup de patients pour que des consultations soient faites ensemble. Le Dr Sangaré, qui travaille pour FMG, a plus de 10 ans d’expérience en soins de santé mentale.

L’infirmier commence la conversation avec le patient et sa famille, puis le Dr Sangaré continue. Je suis impressionnée par la façon dont il parle aux gens, par les questions qu’il pose, par la façon dont il s’immerge dans leur monde et propose finalement un traitement. Très calme, respectueux et attentif au patient. Je comprends vite que le jeune infirmier a encore besoin de beaucoup d’encadrement.

Nous avons vu 11 ou 12 personnes et autant de maladies différentes : dépression, épilepsie, schizophrénie, surmenage par le stress…

Schizophrénie

L’une des dernières consultations était celle d’un homme souffrant de schizophrénie. Il était accompagné d’un ami. L’homme se porte beaucoup mieux depuis le début de son traitement mais il est doit encore être souvent enchaîné. On peut immédiatement voir dans son regard qu’il est toujours gravement malade. Je suis très frappée par les soins que son ami lui prodigue. Il lui rend de nombreuses visites. Il dit qu’il peut s’occuper de sa maladie plus facilement que ses parents. « Ils ne le comprennent pas et s’opposent à lui, ce qui mène à des disputes. Je peux mieux m’occuper de lui. Ses parents sont aussi beaucoup plus âgés, ce qui rend les choses plus difficiles. » Avant leur départ, il nous a demandé d’expliquer à son camarade malade qu’il ferait bien d’écouter les bons conseils de son ami. « Pourriez-vous lui dire ? Je veux qu’il soit complètement libre et qu’on puisse se débarrasser des chaînes, mais cela doit se faire progressivement et avec tact pour la famille. Ça fait peur à ses parents. Mais ça va marcher. Je serais heureux et ensuite je pourrai aller me promener avec lui de temps en temps ! »

Jour 6

De 9h à 14h, j’étais occupée à établir le budget des activités pour 2019. Nous y sommes presque. Ce n’est pas facile quand les besoins sont nombreux, l’enthousiasme important et les ressources limitées.

Cet après-midi, je suis allé à Nabintu, rendre visite à la femme malade dont j’ai parlé il y a quelques jours. Nous nous arrêtons devant une petite maison en pierre. Nabintu est assise sur la terrasse avec une chaîne autour des chevilles. Elle parle sans s’arrêter, parfois elle se tient droite et se met soudain à rire. Ses yeux fixent l’horizon et regardent l’infini. La maman(pas sa propre mère, mais la deuxième épouse de son père) nous accueille.

Un garçon d’environ 7 ans me prend en photo avec un smartphone. Une jeune fille d’environ 14 ans cuisine sur un petit feu de charbon de bois. La famille est ravie de notre visite et de l’attention que nous leur portons. Le Dr Sangere pose beaucoup de questions pour comprendre comment cela a commencé, comment la famille vit la situation, ce qu’elle fait, quelles sont ses possibilités, etc. Tout est traduit. Son fils avait environ trois ans quand elle est tombée malade et est venue de Conakry à Labé. Son mari et son enfant l’ont quittée entre-temps. La famille est trop pauvre pour faire quoi que ce soit.

Ils empruntent la maison où ils vivent. Ils n’ont rien. Ils ont essayé la médecine traditionnelle, mais sans résultat. Le médecin explique que nous sommes venus voir si nous pouvons trouver une solution mais que cela ne dépend pas de lui seul. Les médicaments seuls ne suffisent pas : le soutien de la famille est indispensable. « Comparez-le à une marmite sur trois pierres. Le docteur et les infirmières sont une pierre. La famille qui assiste le patient est aussi une pierre. Et le malade lui-même est la troisième pierre. Si l’une des pierres n’est pas là, la marmite s’incline« . L’exemple n’aurait pas pu être plus clair. La marmite est utilisée tous les jours pour préparer la nourriture, souvent elle repose sur trois pierres sous lesquelles un feu est fait. Nous apprenons aussi que Nabintu se lave, s’habille et mange seule. C’est bon signe.

Le Dr Sangere essaie de parler à Nabintu. Elle se ferme immédiatement et ne dit plus un mot.

Dépression postnatale ?

Nous nous disons au revoir et nous nous rendons à la maison de l’agent communautaire qui est avec nous. Elle habite à quelques maisons d’ici. La maman nous apprend qu’à son arrivée, Nabintu avait un bébé de huit mois sur le dos. L’enfant est mort après trois jours parce qu’elle a oublié de lui donner à manger. Peut-être sa maladie a-t-elle commencé par une dépression postnatale… Quand je demande à Sangere s’il peut les aider, il me répond qu’il a déjà beaucoup aidé. « Beaucoup ont repris leurs activités. Le traitement est estimé à 3 euros par mois pendant au moins 6 mois et éventuellement jusqu’à 1,5 an. »

Je félicite Maryam (travailleuse communautaire) et je dis à sa mère quel travail important elle fait. Sa mère avait peur au début, mais il arrive maintenant qu’elle informe la famille des malades de la possibilité d’un traitement. La mère est donc aussi devenue un peu une travailleuse communautaire. C’est ainsi que le tabou est progressivement brisé.

Demain nous irons à Korbé, environ 75 km sur une route en mauvais état….

Jour 5

Dimanche = jour du repos 🙂

Jour 4

5 heures du matin. Venant de différentes directions, j’entends l’appel à la prière de l’Imam.J’entends aussi des coqs, des corbeaux, des chiens qui aboient, des grillons qui chantent. Le jour se lève doucement. J’essaie me rendormir un peu… sans succès.

A 9h, nous partons pour Timbi Madina. Une demi-heure de route goudronnée suivie d’une demi-heure de piste avec de nombreux trous. Nous sommes accueillis par le bourgmestre et le conseil municipal. Les élections ont eu lieu il y a un an, mais le nouveau conseil municipal n’est installé que depuis deux mois. Il y a, entre autres, un conseiller municipal pour la santé. Le Dr Bary, médecin dans l’un des centres de santé que nous soutenons, explique brièvement ce que signifie, pour lui, la coopération avec FMG et Memisa : le soutien aux soins des patients psychiatriques et la construction d’un incinérateur pour la destruction des déchets médicaux dans tous les centres de la municipalité. Le maire nous remercie. Pour cela mais aussi car nous sommes venus de Belgique jusque Timbi Madina. « La Guinée est grande et il y a tant de villes et de municipalités, et pourtant, vous venez ici », dit-il.

Après des remerciements mutuels, nous allons visiter quatre centres de santé et nous prenons des photos de l’incinérateur de déchets. Le Dr Bary est très fort dans son travail avec la population et les autorités locales. Ils travaillent actuellement à la mise en place d’un système permettant à tous les centres de contribuer au fonctionnement de l’incinérateur. Quelqu’un a été engagé pour l’entretien et le travail de cet homme doit être payé. Une contribution de tous les centres permettra d’y parvenir. Le transport des déchets des différents centres (six au total) vers l’incinérateur doit également être organisé. Nous soutiendrons peut-être une formation pour le personnel sur l’hygiène hospitalière et la politique de gestion des déchets.

Système de solidarité

Le Dr Bary souhaite également mettre en place un système de solidarité pour aider les malades mentaux quiarrêtent leur traitement. Ou pour les personnes qui, pour des raisons financières, ne peuvent pas le suivre.

Il y a quelques années, le Dr Bary a mis en place un système de solidarité. Grâce à ce système, il y a maintenant toujours du sérum disponible contre les morsures de serpent. Les morsures de serpent sont fréquentes ici et le sérum est cher (environ 80 euros la dose et certaines victimes ont besoin de multiples doses). Aujourd’hui, tous les quartiers contribuent à ce système, ce qui garantit que le sérum est toujours disponible et que la victime ne doit plus payer que pour la consultation. C’est un vrai succès !

Cela m’intéresse beaucoup. Je demande que l’ensemble du processus soit documenté afin qu’il puisse servir d’exemple dans d’autres endroits. J’étais vraiment heureuse de découvrir cette initiative… A ce moment, je repense à la femme malade dont j’ai entendu parler hier et que je pourrai bientôt rencontrer..

Ragout de viande et frites

Après les visites, nous passons chez le sous-préfet qui nous invite ensuite chez lui pour un bon repas : ragoût de viande avec frites. Cela aurait-il pu être plus belge ?

Quand nous arrivons à l’hôtel, il fait 33 degrés et l’humidité est de 17%. Nous profitons toujours du soleil et des nombreuses choses intéressantes que nous avons entendues et vues aujourd’hui, en particulier des initiatives que les gens prennent. Nous aimons les soutenir!

Jour 3

A 8h30, nous partons pour le bureau afin de continuer à travailler sur le rapport et David (D.Durnez, Manager du Département Projects & Operations chez Memisa) nous expliquera l’audit qui aura lieu cette année.

J’ai une conversation intéressante avec Maryam Diaolo. Elle est agent communautaire et visite trois fois par semaine les domiciles et les familles des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Avant de commencer ce travail, elle avait peur des malades mentaux, me confie-t-elle. Une courte formation lui a fait comprendre qu’il n’était pas nécessaire d’avoir peur et que ces maladies n’étaient pas causées par le diable ou d’autres forces mystérieuses.

Une histoire retient mon attention, ainsi que celle de Maryam. Une jeune mère de trois enfants est malade et complètement abandonnée à son sort. Son mari et ses enfants l’ont quittée. Sa mère est morte et son père est souvent à l’étranger. Après quelques questions, il semblerait qu’elle soit tombée malade après la mort de sa mère, de ses frères et de ses sœurs, le tout en peu de temps. Ces derniers temps, elle est parfois enchaînée pour ne pas qu’elle puisse s’enfuir. La famille nous raconte que si elle est malade, c’est parce que son père est marabout. Il guérit beaucoup de malades mentaux et les libère de leurs maux mais le mal de ces malades est maintenant sur sa fille. Elle devrait aller au centre de santé mais n’a pas d’argent. Maryam suggère de lui rendre visite ensemble, j’espère que cela pourra s’arranger.

Jour 2

Ce matin, je commence par prendre une longue douche. Cela prend beaucoup de temps car il n’y a presque pas d’eau…  Finalement, au goutte à goutte, je dois me résoudre à remplir un seau. Je mange ensuite une délicieuse baguette avant de me rendre chez notre partenaire local FMG.

Nous avons travaillé toute la journée sur notre rapportage annuel. Ce qui s’est avéré être un exercice intéressant et plein de réflexions, une véritable auto-évaluation. C’est tellement gratifiant de voir que l’équipe prend son travail à cœur et qu’il y a eu tellement de choses réalisées en 2018. Beaucoup d’investissements ont été fait : trois incinérateurs, une maternité, une salle d’attente, un forage, de l’équipement médical. Des sessions de formation dans le domaine des soins de santé mentale ont également été mises en place.

Nos rencontres ont toujours lieu sous le bourdonnement d’un générateur….  Actuellement, c’est la saison sèche en Guinée et il y a donc peu d’électricité à Labé (la ville où je suis). Heureusement, des panneaux solaires seront bientôt installés pour le bureau et pour le centre de santé qui se trouve au rez-de-chaussée, sous le bureau. Cette année, un forage sera également installé pour qu’il y ait aussi de l’eau pendant la saison sèche.

Jour 1

Nous nous rendons au bureau de FMG (Fraternité Médicale Guinée), notre partenaire local. Notre première rencontre est avec le Dr Kristien Wouters et sa collègue italienne, toutes deux de la communauté Sant’Egidio et responsables de l’asbl Viva Africa qui soutient le centre de santé DREAM de Conakry. Ce soutien et cette coopération font partie du programme de Memisa.

Le centre de santé DREAM traite les personnes séropositives, leur offre un suivi et les sensibilise. Ils travaillent avec de nombreux militants, des personnes séropositives, hommes et femmes, qui travaillent pour aider et conseiller leurs pairs. La semaine dernière, Kristien et sa collègue ont donné plusieurs formations sur la résistance aux traitements et les maladies chroniques telles que l’hypertension artérielle chez les patients. A l’avenir, les médecins et les infirmières de FMG participeront également à ces séances de formation. L’objectif est qu’il existe un moment de réflexion hebdomadaire sur certaines problématiques rencontrées par DREAM et auxquelles FMG pourrait participer pour y discuter de certains cas compliqués.

A 11h nous partons pour Labé, une ville au centre du pays. Le manque de sommeil, les innombrables virages, tous les trous dans l’asphalte et la chaleur lourde font de ce trajet un combat presque permanent contre le mal des transports. Pour ne rien arranger, la climatisation tombe en panne et avec les fenêtres ouvertes, j’ai l’impression d’être dans un four à air chaud. Le paysage est magnifique, mais il est sec. Plus une goutte d’eau dans certaines rivières. Le seul vert que je peux apercevoir est celui de quelques arbres au loin. Depuis octobre, il ne pleut plus. Les panneaux solaires sont bruns, partout, et ne servent malheureusement pas pour le moment.

Après plus de 400km que nous arrivons enfin à Labé. Il y fait frais et cela nous permettra de passer une bonne nuit de sommeil… Demain, nous commencerons le travail avec l’équipe locale.

Arrivée

Après un long vol via Banjul (Gambie), nous sommes finalement arrivés à Conakry… les immenses files nous le rappellent ! Il a fallu plus d’une heure pour rejoindre l’hôtel, qui n’est pas si loin de l’aéroport… Il doit être 21h, et tous les magasins sont ouverts. Les enfants jouent dans la rue, les vendeurs font l’éloge de leurs marchandises : bonbons, boissons, entonnoirs, brosses… pas besoin de sortir de votre voiture. Très souvent, les vendeurs sont des enfants… preuve de la pauvreté qui règne ici.

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