Mauritanie : Un café pour une assurance santé…

06 / 01 / 2020

Loin moi l’idée de prétendre que le café est bon pour la santé…

On a déjà vu l’utilisation symbolique d’un café pour visualiser la valeur monétaire d’un don.

Face à un mendiant en rue, nous donnons facilement une pièce, nous disant, « je peux très bien me priver d’un café ou d’une praline pour permettre à une personne en difficulté d’améliorer son quotidien… ». Nous espérons que notre soutien servira à une dépense utile. (Bien que finalement, un simple réconfort est tout aussi important).

Je souhaite ici partager une histoire enthousiasmante résultant de l’inter connectivité du monde et de la solidarité rendue (une fois de plus ?) possible grâce aux médias sociaux.

Lors d’une mission de suivi de projet santé en Mauritanie, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Komé, gestionnaire d’une mutuelle soutenue par Memisa, sur un phénomène qui avait attiré mon attention à la lecture d’un rapport.

Bababé est une ville du Sud de la Mauritanie située le long du fleuve Sénégal. Le climat est très aride, la population très pauvre. Une coopérative, l’Association pour la promotion de la santé (APSDN) soutenue depuis 20 ans par Memisa y a créé en 2011 une mutuelle de santé qui bénéficie d’une intervention financière de la Belgique dans une petite part de ses frais de fonctionnement mais dont la durabilité dépendra du renouvellement des cotisations de ses membres.

Le gestionnaire de la mutuelle m’explique comment ils ont pu arriver à sensibiliser la diaspora à prendre en charge les cotisations d’une partie des membres.

Tout est parti d’une discussion autour d’un thé entre deux notables de Bababé. La nuit tombée, la chaleur s’allège et les Mauritaniens aiment échanger tranquillement leurs points de vue sur les thèmes qui leur sont chers. Le gestionnaire évoquait les difficultés rencontrées par la mutuelle pour assurer sa survie financière. A titre de taquinerie, l’un des convives a annoncé sur Facebook « la mutuelle de Bababé vit ses dernières heures ». Le gestionnaire réagit à cette provocation en soulignant que le problème venait du fait que les membres ne cotisaient plus et a soulevé le paradoxe qu’une bonne partie d’entre eux a des ressources venant de leur famille à l’étranger, exemple à l’appui. Le jeu de provocation a continué : le gestionnaire a communiqué (en privé), le nom de 10 familles pour lesquelles le problème de cotisation pourrait aisément être résolu en sensibilisant la famille éloignée à cotiser pour leurs frères et sœurs restés au bled.

Quelques cafés seulement…

Des communications WhatsApp vers la diaspora ont commencé, expliquant à la famille éloignée le bien-fondé de la mutuelle, l’assurance maladie dont pourraient bénéficier leurs proches pour un coût assez dérisoire pour un « occidental » : il leur suffirait de se passer de quelques cafés par an pour assurer les soins de leur famille. La cotisation annuelle avoisine 4€ par personne, montant qui ne représente pas grand-chose pour nos sociétés occidentales.

Un certain engouement a suivi, et des mauritaniens vivant en Europe et Amérique ont même souhaité prendre en charge une dizaine de familles qu’ils ne connaissaient pas !

On estime la diaspora mauritanienne à plus de 200.000 personnes.

Les réseaux sociaux ont contribué à réduire les distances entre les familles physiquement éloignées.

Quelques clics, texto et photos font qu’on ne peut plus ignorer ses proches. Une certaine responsabilisation se crée. De nombreuses études soulignent la part importante des transferts privés Nord-Sud dans les économies africaines.

Cette expérience permet de renforcer la solidarité via une couverture en soins de santé.

Tout a commencé avec le dynamisme et l’imagination d’un groupe de dirigeants, et grâce à cela, l’implication d’un réseau mondial de familles a pu répondre à la principale préoccupation des parents éloignés de la diaspora, à savoir assurer l’accès aux soins de santé.
Pourquoi n’avons-nous pas pensé à ça avant ?

 

Isabelle De Mûelenaere, Responsables Projets chez Memisa

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