Les victimes invisibles du coronavirus en Guinée

20 / 04 / 2020

Les pays africains ont très rapidement pris les premières mesures visant à contenir la propagation du Covid-19. Souvent, avant même les premiers décès, les frontières, les restaurants et les cafés ont été fermés et les gouvernements ont appelé les citoyens à rester chez eux.

Jusqu’à présent, la plupart des pays africains ne comptent pas un nombre élevé de cas de coronavirus. Par exemple en Guinée, pays d’Afrique occidentale : 579 cas ont été dénombrés, dont 87 guérisons et 5 décès (chiffres du 20 avril 2020). Malheureusement, le coronavirus fait aussi des victimes invisibles : les décès indirects, liés par exemple au manque de médicaments, ne sont pas inclus dans ces statistiques.

Résistance

Notre partenaire local Fraternité Médicale Guinée (FMG) tire la sonnette d’alarme ! En raison de l’arrêt du trafic aérien, il n’y a plus de médicaments disponibles contre la tuberculose. « Dans notre centre uniquement, 480 personnes se retrouvent déjà sans traitement », témoigne le médecin et directeur de FMG Abdoulaye Sow. « Ce n’est sans doute que la partie émergée de l’iceberg. En raison de la pénurie de médicaments, des milliers de patients sont abandonnés à leur sort. De plus, nous avons découvert qu’en raison de problèmes de gestion au niveau national, un nombre insuffisant de médicaments a été stocké l’année dernière, ce qui nous plonge dans une situation difficile« .

Cette situation est dramatique car les personnes qui souffrent de tuberculose et qui ne terminent pas leur traitement peuvent retomber gravement malades et infecter d’autres personnes. Sans médicaments, un patient a plus de chances de mourir. Enfin, lorsque le traitement est interrompu, il y a un risque que les bactéries dans les poumons développent une résistance au médicament.

Ebola

« Pour la Guinée, c’est un nouveau coup dur« , déclare Kristel Moerman, responsable de projet Guinée chez Memisa. « L’épidémie d’Ebola qui a frappé le pays entre 2014 et 2016 a laissé de profondes traces. Le pays est sorti lentement de cette épreuve, mais depuis le début de cette année, une crise politique a eu lieu en Guinée. Fin 2019, lorsque des mesures ont été prises pour modifier la constitution, de violentes émeutes ont éclaté entre les partisans du gouvernement et l’opposition. Plusieurs personnes ont été tuées et l’insécurité a empêché les agents de santé locaux de faire leur travail correctement. Lorsque la crise du coronavirus a éclaté il y a quelques semaines, nous étions au départ d’un optimisme prudent. Nous avons vu les centres de santé mettre rapidement et efficacement en place des mesures préventives. Ils ont également pleinement utilisé leurs connaissances et leur expérience acquises pendant la crise Ebola. En raison de la pénurie de médicaments vitaux contre la tuberculose, nous sommes cependant déjà confrontés à une autre épreuve difficile« .

Pauvreté

Pour l’instant, le coronavirus semble tuer, de manière directe, moins de personnes en Afrique qu’en Europe. Mais les conséquences socio-économiques qui résulteront de cette crise toucheront certainement beaucoup plus durement la Guinée et les autres pays africains. Les progrès considérables qui ont été réalisés ces dernières années en termes de croissance économique sont menacés. Pour la première fois depuis trente ans, la pauvreté mondiale menace d’augmenter dans le monde entier, conclut une étude réalisée par les Nations unies (Institut mondial de recherche sur l’économie du développement). La pandémie de Covid-19 pourrait rapidement annuler les effets positifs de décennies de lutte contre la pauvreté. Des solutions doivent être trouvées pour que les mesures de lutte contre le coronavirus n’affectent pas l’approvisionnement en médicaments et autres produits vitaux pour la population.

Les pays riches ne doivent pas détourner le regard et doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que le coronavirus ne rende pas les défis structurels auxquels sont confrontés des pays comme la Guinée encore plus difficiles. Des systèmes de santé fiables et durables sont nécessaires pour que les pays soient résilients et puissent faire face non seulement au coronavirus, mais aussi à toute épidémie future. Nous l’avons vu, les virus n’ont pas de frontières. Ce n’est qu’en étant solidaires que nous pourrons arrêter la propagation.

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